Nous sommes en 1789. Dans le sud de la France, l’orage gronde en ce soir d’été. Le long d’un chemin de campagne, un jeune homme regarde couler la boue charriée par la pluie. Elle est épaisse et blanche. Dans cette boue, se trouve en fait du kaolin, une sorte d’argile. C’est précisément à ce moment-là que Joseph-Marie Revol aurait eu un éclair de génie : utiliser cette matière unique pour créer une faïence plus solide, capable de résister au feu !
Cette soirée d’orage marque le début de la légende des Revol. Cette famille d’entrepreneurs se cache derrière l’incroyable succès des tasses froissées en porcelaine, utilisées dans les meilleurs restaurants gastronomiques et jusqu’à chez McDonald's !
1768 : la naissance du premier "Atelier Revol"
Mais la véritable saga de la famille Revol commence en réalité avant ce fameux soir d’orage, par un mariage, celui des parents de Joseph-Marie. La famille de Pierre, le marié, fabrique de la faïence du côté de Lyon. Celle de Magdeleine, la mariée, de la céramique dans la Drôme. Ils convolent donc en justes noces le 7 avril 1768 et lancent ensemble le premier “Atelier Revol”.
Mais leur bonheur ne dure pas : dix ans après leur mariage, Pierre meurt. Magdeleine n’a alors que 37 ans. Elle se retrouve seule pour élever ses enfants et diriger une fabrique qui n’en est encore qu’à ses débuts. “Magdeleine a compris qu’il y avait des ressources possibles dans le village où elle vivait. A cette époque-là, c’est une travailleuse, elle met littéralement les mains dans la pâte. Elle fait des poteries qu'elle met à cuire dans le four collectif du village”, raconte Olivier Passot, qui représente aujourd’hui la 9e génération à la tête de Revol.
Magdeleine Revol a une obsession : préparer la suite. Elle fait tout pour s’assurer que ses fils, notamment Joseph-Marie, prendront bien la suite. Elle demande à ses employés de les former, le plus tôt sera le mieux. Et ça marche ! La nouvelle génération est bientôt là. Elle va se marier à son tour, puis viennent les petits-enfants, comme dans toutes les familles.
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Les cuisines Schmidt, le lait pour bébé Mustela, les anis de Flavigny, les canapés Ligne Roset ou le site PAP.fr, vous connaissez forcément ces marques ! Derrière chacune d’elles, il y a une histoire d’entreprise. Et une histoire de famille. Chaque semaine, Elisabeth Assayag vous fait découvrir des personnages très forts, des idées de génie parties de rien et des générations d’entrepreneurs qui ont affronté l’Histoire avec un grand H.
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L’incroyable rencontre avec Paul Ricard
Au tournant du 20e siècle, dans l’atelier, on se modernise. On commence notamment à utiliser des moules pour couler la céramique, avec 20 ans d’avance sur la concurrence. Autour de l’atelier cette fois, Hector Revol, le nouveau directeur, a l’idée de construire des maisons revendues sans profit à ses ouvriers, sur le modèle des corons.
Mais la Première guerre mondiale éclate. Plus de 8 millions de Français sont mobilisés. Parmi eux, il y a évidemment beaucoup d’ouvriers. Quand la paix revient, la production peine à repartir. C’est dans ces années-là que les Revol font une rencontre décisive : avec Paul Ricard !
"Un jour, Paul Ricard est arrivé avec un dessin, celui d’un pichet qui retient les glaçons, pour refroidir l’eau, mais pas trop. Ca, en soi, c’était novateur. Et c’est dès 1936 que Revol a commencé à produire les pichets Ricard", raconte encore Olivier Passot. Des pichets jaunes Ricard, fabriqués par Revol, qui sont devenus entre-temps des pièces de collection !
Cette idée de génie de la tasse froissée
Mais au cours du 20e siècle, ces innovations ne suffisent plus, les tasses "made in China" s’imposent peu à peu. C’est un désastre pour Revol. Pour sortir la tête de l’eau, il faudrait une idée qui détonne, une idée de génie… Au tournant des années 2000, le plus gros client de l’entreprise passe une commande étrange. Il est installé en Allemagne et il en a assez de voir ses employés remplir des poubelles entières de gobelets en plastique. Il voudrait un gobelet solide, en porcelaine, mais avec un aspect froissé !
Olivier Passot, qui est entré quelques années plus tôt dans l’entreprise familiale, y croit. Mais il reste à convaincre le reste de sa famille. “Mon père a tout de suite détesté ce modèle, aucun doute. Il l’avait rapporté à l’usine mais il a été obligé de reconnaître que c’est un produit qui a un vrai succès”, se souvient en souriant l’actuel président de Revol. La tasse froissée a depuis été copiée partout dans le monde. Mais elle est aujourd’hui protégée par un brevet. Et elle est devenue, elle aussi, une pièce de collection !